Sahara

En décembre 2012 j’apprenais que ma mère avait le cancer du sein. Étant une femme positive, elle a toujours su prendre la vie du bon côté et ne redoutait pas la maladie, « il faut bien mourir de quelque chose » disait elle. Ne voyant pas les choses de la même manière je lui demanda ce que je pouvais faire pour elle et étant née et ayant grandie à Fès, au Maroc, elle me disait que rien ne lui ferait plus plaisir que j’y aille pour prendre quelques clichés que je pourrai lui montrer à mon retour.
C’est comme ça qu’en février 2013 je m’envole pour Tanger avec deux amies, Chloé et Manar.

Une fois sortie de l’aéroport le dépaysement est total. Le orange et le blanc sont les couleurs prédominantes, d’innombrables palmiers nous entourent et la chaleur nous assomme. Les parents de Manar nous récupèrent à l’aéroport. Samira et Hamad sont un couple charmant et ravis de nous accueillir chez eux. Avant d’aller à Rabat ils nous emmènent dans une petite ville sur la route, Assilah. Ce qui me choque au premier coup d’œil c’est tous les marchands qui inondent la rue, les terrasses et les personnes qui se promènent avec leurs ânes et leurs charrettes. Très rapidement je réalise que les marocains n’aiment pas du tout qu’on les prennent en photos, la plupart d’entre eux me fusillent du regard et me disent de dégager.

Une heure après nous revoilà sur la route, direction Rabat. Le cliché que j’avais en tête avant de poser le pied ici se résumait à des maisons en briques de boue, des rues étroites et du sable en guise de route, comme sur les photos en noir et blanc que ma mère me montrait. Ma surprise fût donc de taille quand nous sommes entré dans Rabat. Grande ville moderne, avec d’immenses boulevards goudronnés, des maisons et bâtiments flambants neufs et de la verdure à tous les coins de rue. L’appartement des parents de Manar est cosy. Une fois sortie de la douche un tajine nous attend, et pas des moindre, on se fait péter la panse avant notre prochain point de chute, les bars.
Nous allons de surprise en surprise, tout le monde boit de l’alcool, l’endroit est rempli de fumée de cigarettes, la musique est à fond, aucunes filles ne portent de voile et tout le monde drague. Nous passons la soirée avec Mao, qui est une personne adorable et drôle, comme la plupart des gens présents ce soir là. Tout le monde s’intéressent à nous, rient à nos blagues. On nous laisse tout faire, comme si le fait d’être blanc nous donnait l’immunité. C’en est presque gênant. Après une soirée bien arrosée le réveil est compliqué mais peu importe, nous sortons arpenter les rues avec Fati, une amie d’enfance de Manar. Médina, quartier bleu, tour de bateau, tombe de l’ancien roi Hassan II, apéro sur le toi accompagné de couchés de soleil magnifiques, les délicieux plats de Samira et les sorties nocturnes rythmerons le temps passé à Rabat. Tout cela pourrait sembler idyllique si l’on met de côté les insultes dont nous avons fait l’objet. Manar ne ressemble pas à une marocaine et pourtant elle l’est belle et bien. Elle comprenait donc les gens qui les insultés parce qu’elles étaient en robes ou parce qu’on était blanc. D’un autre côté, sous prétexte que je suis blanc et blond, les gens m’appelaient Brad Pitt, donc bon, tout est pardonné.

Nous nous dirigeons maintenant à Fès. Sans compter le fait que j’ai l’impression de marcher sur les traces de ma mère, cette ville est tout simplement magnifique. La richesse culturelle dont les rues sont imprégnées est fascinante. Se laisser porter par les cris et les odeurs qui s’échappent des échoppes de la médina est une expérience fabuleuse. Les mosquées, les fontaines, les parcs, les palais, la place Seffarine ou encore l’université la plus vieille du monde arabe. Nous allons ensuite à Chouara, le quartier des tanneurs de cuirs. Avant de monter les marches pour voir la tannerie vieille de plus de mille ans, on nous donne des feuilles de menthe. Au début je me demande pourquoi mais l’air devenant de plus en plus irrespirable, j’ai envie de me fourrer la menthe dans les narines. Sur une étale en planche au milieu de la rue un marchand vend des brochettes de chameau. Ni une ni deux Chloé et moi se jetons dessus et c’est plutôt bon à vrai dire.
Nous ressortons de la médina en passant sous les grandes portes qui séparent la vieille ville du reste, laissant les murailles s’éloigner derrière nous. Le soir venu la grand-mère de Manar nous accueille pour la nuit. Du thé, de la confiture et du mille trous, qui est une sorte de crêpe un peu plus épaisse avec, baaaaah mille trous.
Le soir venu, sans aucune explication particulière je mes yeux me brûlent au point que je ne peux plus les ouvrir. La grand-mère me met des gouttes d’eau de rose ou quelque chose du genre dans les yeux et me dit d’aller m’allonger dans le noir, remède de grand-mère efficace. Si on ajoute à ça le fait que le délicieux chameau a rendu Chloé malade et qu’elle a passée sa nuit au toilettes, je suis d’accord pour dire que c’est une soirée plutôt particulière.

Notre passage à Fès était court mais satisfaisant et nous sommes en route pour Casablanca. La ville est également très belle mais bien plus moderne que Fès. Nous nous baladons ici et là et bien évidemment nous nous rendons à la mosquée Hassan II, cinquième plus grande mosquée au monde surplombé par le minaret le plus grand. Entourée d’un côté par l’océan et de l’autre par une immense esplanade complètement vide cette mosquée vaut le coup d’œil. Les filles vont chez Zineb, une amie, et je décide de rester un peu dehors pour faire des photos de la ville en me promenant entre les bâtiments art décos. Après avoir pris des photos d’une personne âgée, celle-ci me hurle dessus et un groupe de jeunes pas très loin se mettent à me courser dans la rue. Je prend mes jambes à mon coup, arrive à les semer par je ne sais quel miracle et rentre chez Zineb. Je lui raconte cette mésaventure et elle rétorque par un simple « il ne faut pas prendre les gens en photos », ce qui devient rapidement problématique pour un photographe…
Cet épisode est maintenant derrière nous et nous passons la soirée à faire la fête en appartement. Tout le monde est désinhibés et je remarque le manège de deux garçons qui font des aller retour dans la chambre pour prendre de la drogue. Je commence à me dire que les jeunes marocains, contrairement aux a priori, sont comme beaucoup de jeunes européens, ils essaient de s’émanciper des règles et on juste envie de faire la fête et de vivre leur jeunesse, mais de façon très caché. Les jeunes marocains sont évidemment loin d’être tous comme ça, comme les jeunes du monde entier d’ailleurs. Mais la nuit, les masques tombent.

Nous sommes de retour à Rabat pour quelques jours avant d’aller dans le sud. Nous faisons la connaissance de Youssef qui nous invite, Chloé, Fati et moi à passer la soirée chez lui. Il nous dit « allez acheter de l’alcool, j’ai de l’herbe », on emboîte donc le pas jusqu’au supermarché du coin avec Chloé. Après une bonne dizaine de minutes passé à déambuler dans les méandres des rayons nous n’avons pas croisé une seule bouteille d’alcool, normal puisqu’elles se situent au sous sol, isolées du reste des articles et cachées de la vue des gens. Une fois à l’étage inférieur nous entrons dans la caverne d’Ali Baba et nous constatons que nous ne sommes pas les seuls à avoir trouvé l’entrée. Après une longue attente à la caisse on nous met nos bouteilles dans un sac noir et opaque pour ne pas que les autres voient que nous avons de l’alcool, ce que je trouve à la fois stupide et hypocrite puisqu’une fois dans la rue et ainsi que les jours suivant c’est plusieurs personnes que nous croiseront avec le même type de sac.

Le lendemain, durant l’après on va faire un tour avec Chloé. Tous les vendeurs se jettent sur nous come des pigeons sur un bout de pain, sauf que nous sommes les pigeons. Ils nous demandent de venir dans leur magasins mais nous voulions juste nous balader, au bout de quinze minutes et ayant avancé de quize mètres on craque en précisant que nous n’achèterons rien. Une fois dans le magasin le vendeur se met à présenter tous ses articles à des sommes astronomiques, « c’est berbère, authentique, ça vient du désert » nous dit il. Nous finissons par nous extirper du magasin et un autre vendeur m’attrape par le bras, « viens dans mon magasin », je lui dit que nous sommes allé en face déjà et que ça ne nous intéresse pas, « oui mais tu es allé en face, maintenant tu dois venir dans le miens ». Et c’est reparti. Après avoir fait quelques boutiques un homme vient à côté de moi dans la rue, « j’aime bien ta veste » me dit il, « tu me l’échange contre quoi ? », « contre rien, c’est ma veste et je l’aime bien aussi », il nous suit et insiste mais je trace ma route.
Le soir Manar nous emmène chez son oncle. Il semble heureux de nous recevoir dans son grand salon typiquement marocain, avec le canapé en « U » qui englobe toute la pièce et le Coran sur un présentoir. Il s’assit en face de moi et laisse les filles derrière, Chloé, Manar et ses deux femmes, voilées parce que je suis présent je suppose. En cinq minutes à peine la conversation s’oriente vers la religion, je ne suis pas contre mais je ne suis pas pour non plus. Je le laisse parler. De là où je suis assis je vois ses femmes derrière lui qui hochent la tête quand je le contredit. Je me rend compte qu’elles n’ont pas vraiment leur mot à dire. Au bout d’une heure de conversation il me propose d’aller fumer une cigarette sur le toit. Je le suis. Il fait nuit et la vue sur Rabat est à couper le souffle. Je lui parle de ces magasins d’alcool, les sacs, etc. Il me dit que boire de l’alcool n’est pas grave. Pour quelqu’un qui me parle du Coran depuis une heure je trouve ça culotté. Sur ce il s’allume une pipe de concentré de tabac, considéré, apparemment, comme une drogue.

Le lendemain, après avoir dégusté les poissons panés maison de Samira. Mao nous propose d’aller à une soirée dans une villa. Il ne fallait pas le proposer deux fois. En arrivant dans un immense salon, je fais le tour des convives et leur dis bonjour un à un. Ils me dévisagent. Les heures tournent entre alcool, drogues et musiques. Une quinzaine de personnes discutent autour de la piscine quand un des invités vient me parler. Il me confit fièrement qu’il a déjà eut des relations sexuelles avec des françaises. Je ne sais pas trop quoi lui répondre, alors je lui dis que j’ai également fréquenté des marocaines, pensant que ça nous lierait à une sorte de fratrie intercontinentale, qu’on trinquerait et basta. Pas du tout. Il monte sur ses grands chevaux et me hurle dessus que les marocaines sont pures et que jamais elles ne coucheraient avec un blanc, en revanche il se met à fustiger les françaises et me dit que ce sont toutes des salopes qui viennent au Maroc pour se faire sauter par des arabes, qu’elles écartent les cuisses sans qu’on leur demande, et ainsi de suite. Le mec s’énerve tellement qu’il en devient pitoyable. Il insulte les femmes à tel point que j’ai l’impression qu’il parle de ma mère ou de ma sœur. Il veut en venir au mains ? Pas de problème. Sauf qu’il a rameuté une dizaine de ses potes qui commence à s’agglutiner autour de moi. Ils ont tous l’air assez remontés et excités comme des puces. Avec tout ce qu’ils se sont mis dans le cornet, ça ne m’étonne guère. C’est au moment où je commence à me dégonfler que Mao se précipite pour prendre ma défense, on ne veut plus de moi ici. On remonte dans la voiture et on rentre. 

Le matin suivant nous racontons notre soirée à Samira et Hamad. Ce dernier écarquille les yeux quand je lui dis que je ne comprend pas pourquoi tout le monde me dévisageaient quand je leurs disais bonjour. « Il ne faut jamais dire bonjour comme ça !!! Ils ont dû te prendre pour un imbécile ! ». Je suis surpris mais si c’est comme ça ici je m’adapte et je ne dirai plus bonjour.
Nous devons partir le lendemain dans le sud, mais une mauvaise nouvelle arrive dans la boîte aux lettres ce matin. Une personne anonyme et mal intentionnée en veut visiblement à Manar puisque dans une enveloppe à l’intention de son père, celui ci trouve des photo de sa fille nue. Scandale diplomatique. Elle est privée de sortie et c’est comme ça que le lendemain Chloé et moi se retrouvons livré à nous même dans le train qui nous emmène à Marrakech.

Le trajet est calme, les paysages deviennent de plus en plus désertiques et les cactus font leur apparition. Dans le train, un autre passager âgé d’une cinquantaine d’années, Ali, nous demande si nous sommes en couple. Non. Une femme et un homme qui voyagent ensemble sans être en couple ? Impossible. C’est donc en tant que couple que l’homme nous propose de venir manger chez lui le midi. Nous acceptons.
Une fois à la gare de Marrakech Ali part et revient quinze minutes plus tard en camionnette et nous emmène chez lui, dans une petite maison excentrée. Les volets sont fermés dans la salle principale et pour cause ! Il fait une chaleur à crever dehors, ce qui ne l’empêche pas de nous proposer un thé à la menthe. J’en demande un sans sucre parce qu’habituellement ils le servent avec plus de sucre que de menthe. Les persiennes filtres la lumière pour ne laisser passer que des rayures orangées à travers la pièce. Le thé arrive, aussi sucré que d’habitude.
Le fils, qui doit avoir aux alentours de vingt cinq ans met la table, tandis que sa belle mère, qui a à peu près le même âge que lui prépare le méchoui. Le fait que la femme et le fils de notre hôte aient le même âge rend la situation légèrement cocasse. En parlant de couple étrange, l’homme insiste sur le fait que nous devrions nous mettre en couple, Chloé et moi, ce qui nous fait sourire rien que d’imaginer la situation. Histoire de tourner la page nous lui faisons croire que nous allons réfléchir à la proposition.
Nous passons à table et n’ayant jamais mangé de méchoui auparavant, je découvre que ce n’est pas ma tasse de thé. La femme n’est pas avec nous à table, elle ne parle pas et sert les plats. Je lui dis de venir manger avec nous mais son mari me répond, « non elle nous sert et elle mangera après nous ». Ce n’est pas ma culture, ce n’est pas chez moi, je mange mon morceau d’agneau et je me tais.
Après un autre thé au sucre nous nous éclipsons pour aller en ville car il y a mille choses à découvrir à Marrakech et nous disposons que d’une journée pour en voir un maximum avant de partir pour Ouarzazate. Nous prenons donc un taxi pour aller en ville. On nous avait dit que notre course en taxi devrait nous coûter au alentour de trente Dirham (3€), mais une fois notre destination atteinte le chauffeur nous demande trois cents Dirham (30€). Chacun insiste de son côté et personne ne lache le morceau. Des locaux qui doivent avoir dans la trentaine viennent nous prêter main forte et nous disent que les tarifs officiels sont sur une fiche dans la boîte à gants. Nous regardons, trente Dirham (3€), affaire conclue.
Il est 16h et nos sauveurs nous demandent si nous voulons qu’ils nous emmènent faire le tour de la ville en voiture, pour visiter plus vite. On ne peut pas refuser ! Ils nous disent d’attendre où nous sommes, ils vont chercher la voiture et ils seront de retour dans 30 minutes. Une heure plus tard et toujours personne à l’horizon. Nous leur envoyons un message. « Ne bougez pas nous disent-il ! Nous avons eut un contre-temps, nous allons avoir un peu de retard mais nous arrivons ». Que faire ? Si nous partons et qu’ils sont vraiment en train d’arriver ça fait que nous ne pourrons clairement pas tout voir. Un contre-temps ça arrive à tout le monde, nous décidons de les attendre un peu. Une heure plus tard toujours personne. Nous envoyons un message disant que nous ne les attendons plus. Ils répondent au tac au tac qu’ils se dépêchent et qu’ils vont vraiment nous faire une super visite pour se faire pardonner. Perdu pour perdu. On attend encore une heure avant qu’ils pointent le bout de leur nez. Bien que nous ne cachions pas notre mécontentement nos deux acolytes on l’air complètement détendus et trouve leur trois heures de retard sans grande gravité. S’en suit donc une visite de Marrakech en voiture sous un couché de soleil rose orangé. Même si le couché de soleil est sublime le tour de voiture est l’un des pires qu’il m’ait été donné de faire. Nous allons de rue sans intérêt en rue sans intérêt, de place absolument communes en place absolument communes, ne voyons pas un monuments, rien d’intéressant et tout ça pendant une heure durant. Trop c’est trop. Nous demandons à ce qu’ils nous déposent. Ils s’exécutent, on claque la porte, choukran et bslama les cons.
Pendant notre virée nocturne nous allons sur la place la plus connue du pays, Jamâa El Fna. Les vendeurs sont partout, il n’y a pas un touriste, les enfants jouent et courent dans tous les sens, des hommes se baladent avec des singes tandis que d’autres jouent de flûte à des cobras. Tous les vendeurs, sans exception, nous demandent si nous sommes en couple, ce à quoi nous répondons à la négative. Sans perdre une seule seconde chaque vendeur se jette sur Chloé et s’adonnent à des parades nuptiales plus loufoques les unes que les autres ce qui a pour résultat de nous agacer.
Après s’être extirper des mailles du filet nous rencontrons dans une ruelle un enfant qui nous demande si nous avons visiter un marchand de tapis. Pas encore. Il nous invite à le suivre dans les passages sombres et étroits de la vieille ville. Il s’arrête et frappe à une porte en bois. Le magasin est fermé. L’enfant explique qu’il apporte deux clients, ce que nous sommes absolument pas, nous voulons juste jeter un œil. Le propriétaire du magasin s’en rend vite compte, engueule le petit et nous fout à la porte. Nous donnons un peu de fric au gamin et partons pour prendre notre bus pour Ouarzazate. Le bus arrive, il est minuit.

Quand nous sortons du bus il est cinq heure du matin. Les rues sont désertes. Nous trouvons une cabine téléphonique et appelons Hicham, la personne que nous avons contacté sur Couchsurfing et qui est censé nous héberger. Il décroche et nous dit que nous sommes juste à côté de chez lui. Nous nous rendons à l’adresse indiquée, il nous attend en bas.
Il nous demande du chuchoter car il y a déjà d’autres voyageurs qui dorment dans le salon. Nous choisissons chacun un bout de canapé et nous nous endormons. Le lendemain nous rencontrons les autres couchsurfers. Il y a une famille de serbes qui parlent ni français ni anglais, Yoshi, un japonais et Bernt un allemand à la retraite qui vit avec Hicham, qui lui doit avoir vingt ans tout au plus. Quand nous voulons prendre une douche Bernt nous dit qu’il n’y a pas d’eau dans la salle de bain. Dommage.
Nous décidons d’aller visiter les plateaux de tournages en dehors de la ville. Une fois dans les studios nous parcourons plusieurs décors de films comme, Lawrence d’Arabie, Babel, Tuer n’est pas jouer, Kundun de martin Scorsese, la colline a des yeux, Gladiator et bien sûr Asterix et Obelix mission cléopâtre. Bien que les décor soient fait de plâtre et de polystyrène le réalisme des décors est bluffant. Sur les plateaux nous rencontrons deux australiens qui demandent à Chloé « Where are you from ? » n’ayant pas compris la question elle répond « I don’t know », ils se regardent interrogé et continuent leur route.

Une fois revenu dans Ouarzazate nous déambulons sur un sol poussiéreux, entre les maisons en terre, le tout sous un soleil de plomb. Un adolescent vient vers nous et nous propose de le suivre, il dit connaître la ville comme sa poche, elle même temps elle n’est pas si grande. L’ado est super sympa et nous fait visiter toute la ville jusqu’à ce que nous découvrions le pot aux roses au moment où il nous emmène dans la boutique de sa sœur, qui vend de l’encens, des bougies et des pierres. Nous faisons semblant de nous intéresser quelques minutes puis nous nous dédouanons de toute compagnie pour la suite de notre promenade. Plus loin nous tombons sur un antiquaire qui veut nous montrer son magasin. Celui ci est somptueux, compte trois étages et regorge d’objets stupéfiants. Après nous avoir montré quelques unes de ses pièces maîtresses il nous invite à prendre un thé sur le toit. La terrasse est remplie de jarres et les oasis entourant la ville rajoutent un peu de vert sur les étendues ocres. Le thé sur son lit de sucre arrive et la discussion s’entame. Le propriétaire des lieux nous dit que le sosie officiel d’Oussama Ben Laden habite la maison d’en face et qu’il est acteur pour le cinéma quant il ne tient pas sa petite boutique. S’en suis un bourrage de crâne sur le Coran qui dure une bonne heure. Au moment de partir l’antiquaire nous demande 5€. Pourquoi ? Pour le thé nous répond-t-il. Je refuse. Il insiste. Je lui dis qu’il ne peut pas nous proposer de nous « offrir » un thé et nous demander de l’argent. 
Une fois libéré nous allons dans la boutique d’en face. Plusieurs article sont disposés sur des tables, elles même surplombées de photos du vendeurs dans différentes scènes films. Mais il nous montre une photo toute particulière encadrée dans l’entrée. Une photo de Ben Laden. C’est vrai que la ressemblance est saisissante mais quand même.
De retour chez Bernt la famille serbe est partie et trois punk autrichiens ont prit leur place. J’ai l’impression qu’il y a plus d’alcool que de vêtements dans leur sac. Apéro ? Apéro. Une fois bien entamé les autrichiens vont faire un tour en ville. On les entend hurler dans la rue puis un énorme bruit de fracas. Le matin suivant il nous racontent qu’ils ont vus un homme se faire écraser sous leurs yeux sur le rond point en bas de l’appartement. 

Avec Chloé nous nous éclipsons sur la place des Almohades. Il est midi, on a faim et on va commander à un stand de grillades qui est à l’opposé des normes d’hygiènes mais qui reste néanmoins pas mauvais. La chaleur est insoutenable et nous rentrons donc à l’ombre le ventre plein. Ça fait dix jours que nous sommes au Maroc et je ne suis toujours pas allé aux toilettes pour la grosse commission. Ce n’est bien entendu pas moi, mais mon corps qui refusait. Et sans surprise, ce qui devait arriver, arriva. Je me précipite voir Bernt pour lui dire qu’il n’y a pas de lumière dans les toilettes. Il me dit que c’est normal et vient avec moi. La pièce doit faire dans les 15m² et n’a pas de fenêtre, Bernt allume alors une bougie qu’il pose à côté de la cuvette dans un renfoncement du mur où se trouve des tuyaux, je ne sais pas si il s’agit de tuyaux d’eau, d’électricité ou de gaz et je m’en contrefous vu l’urgence de la situation. Parce que oui, je suis passé d’un stade de « j’ai pas envie » directement à un stade critique d’éjection. Comme si dix jours de repas étaient arrivés en deux secondes à la porte de sortie. En ressortant Bernt m’indique qu’il n’y a pas de verrou non plus sur la porte et celle-ci se trouvant à trois mètres du trône il va falloir faire ça vite. Je prend la bougie, cherche le papier toilette, rien. Je ressort, explique mon désarroi à Chloé qui, dans un élan de rire, me dit d’aller dans le restaurant au rez de chaussée, ce que je fais. Une fois sur place j’explique rapidement mon problème à un serveur qui m’autorise à utiliser les toilettes. J’entre et constate des toilettes turques, sans papier. Je ressors de l’établissement et marche difficilement vers le garage juste à côté. j’expose une fois de plus mon problème au garagiste qui est allongé sous une voiture, il m’indique où sont les toilettes. Une fois à l’intérieur, toilettes turques, pas de papier. En ressortant je vois une épicerie de l’autre côté de la rue. Une fois à l’intérieur c’est la sueur au front que je demande au vendeur si il a du papier toilette. Il me répond que oui. Miracle. J’aurai dû me douter de quelque chose quand il a prit une perche équipée d’un crochet pour aller me chercher mon précieux papier double épaisseur salvateur en haut du rayon. Pas le temps de me poser des questions, je paye et marche à tout petit pas jusqu’à chez Bernt. De retour dans les toilettes je rallume la bougie et m’installe un siège de papier plutôt confortable, les hostilités peuvent commencer. En m’asseyant je remarque que le siège n’est pas fixé au sol. Je suis donc contraint de faire ma besogne plus ou moins en équilibre au dessus des gogues. C’est soulagé de 7 kilos que j’appuie sur la chasse d’eau. Celle ci ne fonctionne pas. 
Bougie en main je fais le tour de la pièce et je trouve un robinet, puis un saut. Je le rempli et le déverse dans la cuvette. L’eau monte avec tout le papier accompagné de mes déjections. Je n’en crois pas mes yeux. Je retourne bloquer la porte pour que personne ne rentre pendant ma mésaventure. Pas mal de temps s’écoule. Je retourne verser un saut mais les toilettes me mettent au tapis. Rebelote. Troisième round. Encore une défaite. Ça doit maintenant faire trente minutes que je suis enfermé dans le noir avec ma honte, je décide donc de changer de stratégie.
Je trouve par miracle une raclette. Je m’excuse auprès d’elle pour ce que je m’apprête à lui faire subir et je la plonge dans le bousin pour essayer de déboucher par le fond. Rien n’y fait. Je racle la raclette avec mes chaussures pour retirer le surplus et je sors incognito de ce bourbier. C’est une victoire par K.O des toilettes.
Je rejoins Chloé et lui explique mon stade culminant de malchance. Les larmes roulent sur ses joues. Impossible de l’arrêter de rire. Je cherche une échappatoire autour de moi quand mes yeux se posent sur Yoshi qui fait son sac. Je lui demande où il part et il me répond « dans le Sahara », « Tu as un plan pour y aller ? », « Oui », « on peut venir ? », « bien sûr ! ». Cinq minutes plus tard nous sommes en route vers la gare routière. Hicham est du voyage mais ne sait bien évidemment pas ce qui vient de se passer. Une fois nos billets achetés Chloé ne se sent pas bien et va vomir, je me disais bien que ce stand de grillades était douteux. A peine revenue elle y retourne et ainsi de suite jusqu’à qu’elle me dise, complètement abattue et digne d’une scène de film de guerre, qu’elle ne pourra pas faire le voyage et que je dois partir sans elle. J’hésite entre faire ce qu’un ami devrait faire, c’est à dire rester auprès d’elle, et partir dans le plus grand désert du monde, ce qui n’arrive pas tous les jours.
Hicham revient et nous dit qu’il a appelé des amis qui vont venir chercher Chloé et prendre soin d’elle. Elle accepte. Je l’abandonne donc avec trois inconnus et monte dans le bus.

Plus on s’éloigne de Ouarzazate et plus les paysages sont désertiques. Alors que Yoshi et moi même sommes collé à  la vitre, Hicham, qui a le mal des transports, vomi ses tripes dans un sac en plastique. Décidément…
Nous descendons du bus à M’Hamid, dernier village avant le désert. On achète 16 litres d’eau pour Yoshi qui s’apprête à traverser le Sahara à dos de chameau. Une Renault 4L vient nous chercher puis commence une traversée de deux heures dans le sable jusqu’à notre campement. Dans la nuit je vois au loin le relief de petites montagnes, je demande de quelles montagnes il s’agit, le conducteur me répond en souriant que ce ne sont pas des montagnes mais les dunes.
Nous arrivons donc de nuit au campement. On nous montre notre tente, faite en une sorte de tapis suspendus et un autre en guise de matelas posé sur le sable. Nous dînons tout les trois et après le repas je reste étendu sur le sable à observer les étoiles. Il n’y a aucune pollution lumineuse. A tel point que je peux voir la voir lactée à l’œil nu. Je me rend compte que je suis quasi seul dans le Sahara. Entouré de sable et d’étoiles.
Lendemain nous marchons un peu dans le désert sans trop s’éloigner du camp. Il n’y a pas grand chose à faire bien sûr, à part subir la chaleur. Les sahraouis nous propose de faire un tour de chameau. Il y a deux choses à savoir sur les chameaux, c’est très haut et ça pu. Ensuite nous aidons Yoshi à charger sa monture, on lui dit adieu et nous le regardons s’effacer dans la sable avec son guide. Je n’entendrai plus jamais parler de lui.
En fin de journée notre chauffeur revient avec sa 4L, il est l’heure de partir. Faisant le chemin retour en plein jour je constate l’étendu que nous avions traversé de nuit. Une fois à M’Hamid, Hicham me dit qu’il va y rester un peu. Je chope un taxi brousse. Je m’installe à l’arrière entre deux énormes maliens et me laisse conduire jusqu’à Ouarzazate dans un véhicule sans climatisation, personne ne parle.

Revenu au bercail Chloé m’attend. Elle m’explique que les personnes qui l’ont hébergé étaient très sympa. Elle a dormit 12 heures de suite s’est levé une heure pour manger des pâtes et s’est recouchée jusqu’au lendemain. En faisant un peu de tri dans mon sac avant de repartir Bernt voit mes rouleaux de papiers et me dit « c’est toi qui a bouché les toilettes ??!!! ». Aucune échappatoire, je confesse. Il me sermonne et me dit qu’il a dû tout déboucher à la main. J’essaie de lui expliquer que je ne savais pas comment finir le travail et il me répond solennellement « c’est très simple, tu remplis le saut d’eau, tu trempes ta main dedans et tu te nettoies avec ! »… Nous reprenons le bus jusqu’à Marrakech, le train jusqu’à Rabat. Autant vous dire qu’après cinq jours sans prendre une douche, cumulé avec une journée passé dans le Sahara, la douche est plus que bienvenue. Nous  passons une dernière soirée dans la famille de Manar et le lendemain retour à Tanger pour prendre notre vol.
Dans l’avion, pendant que je prend une photo qui ferait pâlir tous les platistes, Je repense à ce pays splendide qu’est le Maroc. Ma mère aura finalement tout le temps de regarder les photos puisque son cancer a fini par guérir. Tout est bien qui fini bien.