Caraïbes

­Durant l’été 2019, Carole, une personne que j’ai rencontré brièvement par le passé, m’écrit pour prendre de mes nouvelles et me dire qu’elle vit maintenant à la Martinique et que si l’envie me prend je suis le bienvenu pour aller m’installer là-bas pour autant de temps que je le souhaite.
C’est comme ça qu’en novembre de la même année je m’envole pour deux semaines dans les Caraïbes.

A Fort de France, quand les portes de l’aéroport s’ouvrent, un mur de chaleur m’encastre. Il faisait 5° à Paris, ici il en fait 25 de plus. Je retire mon manteau et mon pull et attends patiemment Carole et sa colocataire, Rachel, sur le parking. Il est 20 heures, il fait nuit, l’air sent l’été et les feuilles des palmiers se tordent doucement sous une légère brise.
Les filles arrivent, accolades et me voilà dans la voiture, musique à fond sur l’autoroute, vitres grandes ouvertes, l’air brûlant me caresse les joues. Autour de nous des centaines de maisons posées les unes sur les autres à flanc de colline. Les lumières de la ville brillent d’un côté tandis que l’autre est plongé dans le noir. « C’est la mer » me disent les filles, je demande naïvement où l’on va, « dans les bars !!! » hurlent-elles.
Rachel vient d’emménager à Fort-de-France il y a quelques semaines et s’est fait livrer toutes ses affaires du sud de la France, dont sa voiture, par conteneur qu’elle a reçu la veille. Sur le parking je mets mes affaires dans le coffre. L’endroit semble perdu et vu tous les avis négatifs sur internet concernant l’île, je ne suis pas rassuré de laisser mes affaires comme ça. « Mais n’ai pas peur ! Ça craint rien » me dit Carole. Soit. Nous descendons un petit chemin dans le noir jusqu’à un bar qui illumine la pénombre. Dès notre arrivée un des barmans se jette sur les filles, 

- Salut mes jolies, qu’est ce qui vous ferait plaisir ?
- C’est sa première nuit ici, disent elles en me montrant du doigt, tu lui mets un rhum !
Je fais gentiment remarquer que je n’aime pas le rhum.
- Ici ? Impossible. Elles somment au barman de me servir un verre. C’est parce que tu n’as jamais goûté un rhum des îles !
Les verres sont servis, je goûte, je n’aime pas. Les barmans dansent et aguichent les filles de tout âge. Un client arrive au comptoir et nous parle, Carole lui demande au tac au tac.
- T’es un flic toi
- Pas du tout
- Si je le vois
Je lui dis que si le mec lui dit que non c’est que non et que dans le cas contraire ce n’est pas grave.
- J’habite ici, je les flaire à cent mètres et lui c’est un poulet, il faut faire gaffe, je me méfie.
Bref. L’homme semble adorable et me donne des conseils de choses à faire durant mon séjour. Entre temps il s’est mis à pleuvoir comme vache qui pisse, la pluie ruisselle à gros flot sur le toit et forme une cascade entre la terrasse et la plage. Des amis de Carole nous rejoignent dans le bar et nous quittons le comptoir pour nous installer à une table, les pieds dans le sable, cocktails, tout le monde en maillot de bain, les vacances quoi. Deux filles à notre table se roulent un énorme joint et le fument en terrasse sans pression tandis que le serveur nous apporte nos verres. « Tu veux fumer un peu ? » Me demande l’une d’entre elle en me tendant le spliff. En temps normal j’aurais dit non mais c’est les vacances. Une heure plus tard je suis bourré et défoncé, tout le monde rit et danse, plein de gros rats courent entre les tables et passent à côté de nous, je plane et vais mettre mes pieds dans la mer. L’eau est chaude et douce, mon regard se perd dans l’obscurité, figé sur les lumières qui scintillent au loin.
Retour à la maison, les filles sont déchaînées, comme à l’aller les vitres sont ouvertes et la musique est à fond. Nous arrivons devant chez elles, elles vivent au rez-de-chaussée d’une belle maison. Les proprios habitent au dessus. Dans la court de devant, trois gros chiens endormis se réveillent à notre approche, elles chuchotent leurs noms, ils se calment et remuent la queue. Elles me disent qu’ici il est très important d’avoir des chiens pour se protéger des cambrioleurs, les martiniquais en ont une peur bleue. A l’intérieur de l’appartement la chaleur est toujours bien présente, il est minuit et je transpire. Une fois sortie de la douche les filles mettent de la musique et m’ont servi un verre de rouge. Parfait.

Le lendemain matin, je me réveille avec un mal de gorge, c’est la clim de la chambre, bien qu’elle soit à 24° pendant la nuit, j’ai crevé de froid.
Il fait beau ce matin et Carole doit aller chercher quelque chose en ville et me dit de l’accompagner avec mon appareil photo car on va dans un beau quartier. Super ! Sur place je sors de la voiture, appareil photo autour du cou et elle me dit qu’elle est ici pour acheter de la drogue. Elle voit un dealer qu’elle connaît, un noir avec de longues dreads qui se roule un joint en pleine rue. Elle me le présente et me dit de l’attendre ici pendant sa course. Le dealer ne me parle pas, je suis assis devant un magasin dont le rideau de fer est baissé, deux prostituées vénézuéliennes sont assises à côté de moi. Je discute un peu avec elles et vois au loin un papy assis à une terrasse de café. Je vais le voir et lui demande si je peux le prendre en photo. « Bien sûr ! ». Ceci fait, il me demande de m’approcher.
- Tu viens d’où ?
- Du nord de la France
- Tu es ici pour les vacances ?
- Oui je suis arrivé hier soir
Il est adorable et nous discutons un peu, jusqu’à ce que deux martiniquais, bandana autour de la tête se plantent devant moi et me parlent en créole. Je ne comprends pas un traître mot mais leur intonation ne présage rien de bon. Le vieillard me prend la main et me dit de le regarder droit dans les yeux et de ne parler qu’à lui. 
- D’où viens tu ? Me demande-t-il.
- Du nord de la France, je vous l’ai déjà dit.
Je sais je sais, c’est juste pour faire la conversation jusqu’à ce qu’ils s’en aillent.
Les deux individus insistent et le vieillard leur répond sèchement, toujours en créole. Ils entrent dans le bar. Mon défenseur les regarde entrer, et une fois à l’intérieur il se retourne vers moi et me dit « cours ».
Je m’exécute et retourne auprès du dealer et des deux prostituées. Je suis en sécurité. Du moins c’est ce que je pensais car je vois mes deux « agresseurs » revenir. Ils se mettent en face de moi, déterminés. Le dealer intervient et leur dit.
- Ce blanc là est avec moi, vous n’y touchez pas.
L’un d’entre eux se retourne calmement vers lui et répond, « ton blanc on va le retrouver et il va finir dans une boîte », puis ils reprennent leur route. Grosse ambiance. J’ai hâte que Carole revienne mais avant ça un homme entre deux âges se pointe vers moi et me demande ce que je fous ici.
- J’attends une amie.
- Ici ?! Mais t’es fou, c’est le quartier le plus dangereux de l’île !
- Ah ? Je ne savais pas.
- Je suis sorti de prison il y a quelques mois, j’ai pris un an et demi parce que j’ai égorgé un type, il l’avait cherché.
- Que un an et demi pour avoir coupé la gorge d’un mec ?!!
- Il a survécu, c’est pour ça. Mais quoi qu’il en soit ne traîne pas ici c’est des fous. Un gars s’est fait buter en plein milieu de la route par la police il y a quelques jours. Il y a deux semaines je me suis fait racketter par des types au coin de cette rue, ils avaient des flingues et tout. Ils m’ont tout pris ces fils de putes. Si je les retrouve je les fume. T’as pas une pièce à me dépanner ?
- Non je n’ai rien avec moi, désolé.
- Pas de problème frère, je comprends. Et il reprend sa route.
Je commence à m’impatienter. Le dealer n’est pas très loquasse, les prostituées non plus, je suis à l’ombre mais je fonds. Je n’ai qu’une envie, c’est de me jeter dans la mer. Si je ne suis pas mort avant.
Carole revient enfin, on saute dans la voiture et en route ! 

Elle me fait visiter un peu Fort-de-France mais il se met à pleuvoir à verse. Retour à la case départ. En passant dans sa rue elle me dit que son voisin est chez lui. On va lui rendre visite. Bonjour doudou ! Lui dit Carole en lui sautant au cou. Il se présente, Philippe. C’est un homme d’une soixantaine d’années, propre sur lui. On s’assoit sur sa terrasse, couvert de la pluie par un toit qui la recouvre.
- Temps de merde n’est ce pas ? Nous dit-il.
- Pas de chance en effet, mais ça va se calmer ?
- Ils annoncent pareil demain.
- Tu n’as pas de chance, dit Carole, la semaine dernière on a eu un temps ma-gni-fique.
- Ti punch ?! Demande Philippe.
Il nous amène donc le rhum, les citrons et le sucre à table. J’ai l’impression que je vais devoir prendre sur moi pour ce qui est du rhum.
J’apprends que Carole travaille comme femme de ménage chez lui de temps à autre contre un petit billet, mais en vrai, elle s’occupe clairement de lui, surtout pour qu’il ne s’enfile pas trop de verres dans la journée. Philippe est un peu saoul et sort une photo d’une belle jeune femme, la sienne. Elle est morte d’un cancer un an plus tôt. Il a donc quitter la métropole pour revenir sur son île se changer les idées. Mais ça n’a apparemment pas fonctionné puisqu’un an plus tard il en parle à un inconnu, moi, les larmes aux yeux et ce au bout de trente minutes.
- Mais bon ! Interrompt-il, j’ai ma belle maison, je suis au soleil, j’ai de la thune, il y a plein de nanas qui veulent venir dans mon lit, comme Carole tiens ! Hein cocotte ?! » Dit-il en lui claquant une main sur les fesses.
- Arrêtez ça tout de suite Philippe !!! Je vous l’ai déjà dit mille fois ! Vocifère-t-elle.
- Oh mais ça va, elle fait sa prude là, mais elle est comme toutes les autres bonnes femmes de cette île, c’est une coupe poche ! Tu sais ce que c’est une coupe poche ?
- Non
- C’est des gonzesses qui n’en veulent qu’à ton fric. Tu sais, avec une maison comme celle-ci, elles s’agrippent toute à moi comme des puces. Tu as vu ma voiture un peu ? C’est pas de la camelote. Elles repèrent ça tout de suite ! Il y en a une que je fréquente là, au bout de deux mois elle a voulu que je lui paye son loyer parce qu’elle n’arrivait pas à joindre les deux bouts ! Je l’ai foutu à la porte ! Et là elle revient se frotter contre moi la salope. Une autre avant ça qui voulait que je lui paye une machine à laver au bout du deuxième rendez vous ! Nan mais tu te rends compte ! Bon après elles aiment bien venir ici, tu as vu un peu la maison ?! Tsss toutes des vampires, et ça suce un vampire ! Aaaaah parce qu’elles aiment mon coco (bite), elles en raffolent, et coquer ça ne me fait pas de mal. Devines quel âge j’ai.
- Cinquante ?
- Ah ! Hurle-t-il, plus de soixante ! Alors comprends bien que pour un vieux papy comme moi, tremper son gros coco de temps en temps dans une petite fleur, ce n’est pas donné à tout le monde. Et je ne suis pas seul ! Regarde là-bas j’ai toute mes poules dans leur cabane. Il y a Juliette, Claudine, Sophie, Charlotte, Isabelle, Marion et je ne me souviens plus du nom des autres dit-il en buvant son rhum d’un trait. Tu veux aller les nourrir ?
- Oui carrément !
- Très bien tu vas dans la réserve au fond du jardin, il y a le seau de graines à l’intérieur. Ensuite tu vas dans le poulailler en faisant bien attention de ne pas les laisser s’échapper. Tu vas voir, elles te feront juste des côt côt côt côt (il imite les poules en remuant ses coudes de haut en bas), elles sont un peu sauvages, comme les femmes, mais elles ne sont pas méchantes.

Il nous invite à dîner chez lui. Nous partons donc à pieds jusqu’au supermarché, à un quart d’heure de marche sous une chaleur étouffante. Les prix de la grande surface sont presque doublés par rapport à la métropole. Je me rends compte que je ne vais pas manger beaucoup, ou alors à l’extérieur, où les prix sont bien plus bas. Dans la queue une femme et sa fille nous doublent sans scrupule et Carole le leur fait savoir.
- Excusez-moi madame, mais nous étions là avant.
- Qu’est ce qu’elle a la blanche ? Je suis chez moi ici, si t’es pas contente retourne dans ton pays.
Sympa. Carole est à deux doigts de faire une esclandre mais je la retiens. Le mieux est de prendre notre mal en patience.
Arrivé aux caisses automatiques je me rends compte qu’il y a une erreur dans le prix d’un article. Dans le rayon était affiché 4€ les quatre tranches de jambon et ça me dit 7€. Déjà que j’avais hésité à les prendre… J’appelle l’hôtesse de caisse pour lui faire remarquer.
- Ce n’est pas possible. Les prix sont les bons, vous devez payer.
- Non, j’ai bien regardé, il doit y avoir une erreur d’affichage et dans ce cas je dois payer le prix en rayon.
La caissière, agacée, m’arrache l’article des mains et s’en va. On attend dix bonnes minutes avant qu’elle ne revienne et nous dise c’est 7€. Je ramène l’article dans l’étalage et revérifie, il y a maintenant écris 7€ et bien que je sois persuadé qu’elle a rechangée le prix, je paye mes courses et m’en vais.

Philippe nous attend. Il a entamé une nouvelle bouteille de rhum. On s’installe à table et Carole demande du vin, le propriétaire de la maison en débouche une et nous la ramène. « C’est quoi ça ?!» Demande Carole d’un air dégoûté. Elle nous sert un verre, goûte, et dit que c’est du vinaigre, elle somme Philippe dans déboucher une meilleure, ce qu’il fait immédiatement. Je le trouve bon moi.
- Voilà c’est mieux, dit elle. Ici il ne faut pas te laisser marcher sur pieds, sinon t’es foutu.
- Holala, toujours en train de râler celle-là ! Le tout ponctué par une claque sur les fesses.
- Je vous ai déjà dit d’arrêter ça !
- Bon bon, ça va calme toi. Encore heureux que mon chat est là avec moi pour me tenir compagnie. Tu l’as vu Aurélien ?
- Non pas encore.
- FREDOOO !!!! FREDOOO !!!! tout le quartier a dû l’entendre.
Le chat arrive vêtu d’un pelage blanc immaculé et d’un regard assuré. Les heures passent, le rhum coule à flot, nous rentrons en titubant et nous effondrons au lit.

Réveil, mal de gorge, douche, jus de fruit, du moins eau aromatisée chimiquement à quelque chose, short, tongs, et on avance doucement vers le bus. En Martinique, le bus passe quand il a envie de passer. On attend donc plusieurs dizaines de minutes, mon sang est prêt en entrer en ébullition frappé par un soleil assassin. Le bus nous dépose en centre ville, Carole doit trouver un nouveau boulot et veut se rendre dans une sandwicherie. Si il y a bien une chose à savoir sur Carole, c’est qu’elle a le contact très facile et qu’elle s’arrête pour parler à tout le monde dans la rue. Au début, je pensais naïvement qu’elle connaissait chaque personne que l’on croisait mais il n’en était rien. Deux mecs qui ne semble pas vraiment fréquentables la dévisage assis sur leur scooter.
- Salut doudou ! Clame-t-elle avec d’un signe de la main  accompagné d’un large sourire. On se connaît ?
La discussion s’engage tandis que l’autre homme m’interpelle.
- Super l’appareil photo ! Si ça te dis je suis rappeur, je sors tout juste de prison et je recherche quelqu’un pour tourner un clip de rap. J’ai tout le matos qu’il faut, tu peux venir demain dans mon quartier, je te paye, mais prends ton appareil quand même.
- Pourquoi pas !
Même si ça sent le guet-apens et que je sais pertinemment que je n’irai pas, je fais mine d’être intéressé et prends son numéro de téléphone. On repart et les deux gars nous suivent du regard. Arrivée dans la sandwicherie, Carole tchatche avec tout le personnel puis avec le patron. Elle est prise et commencera demain matin. C’est après un casse-dalle au museau de porc que nous nous rendons sur l’embarcadère pour prendre un bateau vers les trois îlets. La traversée est calme, la vue sur l’île est magnifique, les côtes noyées de cocotiers font leur apparition. Sur la plage des trois îlets Carole cherche un dealer qu’elle connaît. Nous sommes assis en terrasse d’un bar de plage, les pieds dans le sable et buvons une bière. La personne qui nous accompagne est très sympa et me dit que je dois faire très attention avec mon appareil photo parce que sur l’île les gens trempent souvent dans des histoires pas très nettes et ne sont pas non plus très fidèles. Ils n’apprécient donc que modérément qu’on les photographie à un endroit où ils ne sont pas censés se trouver. Ce qui peut amener à un lynchage. Il souligne également que puisque tout le monde est plus ou moins dans le même cas, personne ne viendra à ma défense si cela venait à se produire.
Le temps s’écoule tranquillement jusqu’à ce qu’un homme visiblement âgé et ivre se mettent à s’engueuler avec quatre jeunes. Il les insulte de tous les noms tandis qu’ils se contentent de le mettre en garde. Celui-ci ne s’arrête pas pour autant jusqu’à ce qu’une des quatre personnes se lève calmement vers le grand-père et lui assène un violent coup qui le projette sur le sol. Les jeunes rient, le vieux râle, sonné sur le sable. Carole se lève pour l’aider à se relever malgré son ami qui le lui déconseille fortement.
- Ne fais plus jamais ça ! Qu’est ce qui te prend ?! Sermonne son ami, énervé.
- Je n’allais pas le laisser à terre le pauvre ! Il n’arrivait plus à se relever. Lui répond-t-elle en asseyant le vieil homme sur une chaise.
- Si personne ne bouge c’est qu’il y a une raison ! Tu ne te mêles pas des histoires des gens ! Si tu continues comme ça tu vas avoir des problèmes et je ne pourrais rien pour toi.
Les deux disparaissent et me laissent seul avec le vieux qui reprend ses esprits en face de moi. Il commence à parler dans sa moustache en créole et me regarde avec des yeux terrifiants. Quand je lui fais remarquer que je ne comprends pas le créole, il me parle en français et me dit assez fort pour que tout le monde l’entende qu’il allait faire la peau à que ces fils de putes. Ces derniers se retournent dans notre direction, le vieux continue, les jeunes se lèvent, se tournent vers nous et restent immobiles avec un air menaçant. Bien que je ne sois pas du tout à l’aise, j’essaie de paraître neutre et serein. Ils se rassoient. Le vieux me dit qu’il ne faut pas le chercher, on l’appelle le lion. Le lion ! Et on ne s’attaque pas au lion ! Hurle-t-il. Avant de rajouter que ces bâtards méritent de finir avec une balle dans le crâne. Je lui souris, il s’énerve. 
- Tu te fous de moi ?! Tu vas voir je vais chercher mon fusil et je reviens !
Je le calme en lui disant que je le crois et lui propose un verre. Il décline et s’en va. Carole et son ami sont de retour. Les verres s’enchaînent pendant que la lune se hisse dans le ciel étoilé.

Le jour suivant Philippe nous dit qu’il doit aller avec sa conquête du moment à Saint-Pierre car il a rendez-vous avec une personne qui doit lui faire intégrer la franc-maçonnerie. Si mes souvenirs sont bons nous ne sommes pas censés dire que nous sommes franc-maçons mais Philippe parle beaucoup. Il nous propose de venir avec lui. Avec plaisir !
La route est belle et ensoleillée jusqu’à notre destination. A notre entrée dans Saint Pierre, la plus vieille ville de la Martinique, je suis surpris par la dimension historique de la ville. Maisons en pierres, routes étroites avec de profonds caniveaux de chaque côté, cathédrale, maisons coloniales et ruines en tout genre. En avril 1902, la montagne Pelée, située juste à côté de la ville, entre en éruption et détruit l’intégralité de celle-ci, ne laissant que deux survivants, l’un d’entre eux, Cyparis, était détenu à la prison et fût protégé par les épais murs qui le retenaient enfermé.
Philippe nous invite au restaurant. Le repas se passe dans la bonne humeur et j’apprends que Thérèse n’est pas la compagne de Philippe mais sa cousine. Le repas terminé nous allons faire un tour en ville pour laisser Philippe se rendre à son rendez vous.
Tout le monde flânent dans les rues, des gens jouent de la musique, d’autres se jettent à la mer. Nous nous promenons entre les nouveaux bâtiments, les anciens et les ruines. En cherchant la cellule de Cyparis nous tombons nez à nez avec des loulous (lascars) sur une étroite rue pavée qui mène à la jungle. Comme à son habitude, Carole entame la conversation directement. Ils nous dévisagent en fumant des pétards et buvant du cognac sous un cagnard infernal. L’un d’entre eux, qui semble être le leader, me dit d’un air agressif et en fronçant les sourcils :
- Tu me filmes là ?
- Non. Dis-je alors que mon objectif, pendu à mon cou, est braqué sur eux.
- Baisse ça tout de suite ! Crache-t-il en s’avançant vers moi et en haussant le ton. T’es un flic ? Dis le tout de suite si t’es flic sinon tu vas avoir des ennuis.
- Non non, je suis juste un touriste.
Il n’a pas l’air convaincu, ça doit être la moustache, mais Carole prend ma défense. Elle ne semble pas plus stressée que ça, contrairement à moi. Les tensions s’apaisent et on nous sert un verre. On discute mais toute l’attention est portée sur Carole. Je reste dans mon coin et je bois. Ils nous indiquent qu’au bout du chemin il y a un ancien asile de fous datant d’avant l’éruption. Ils nous y accompagnent et nous nous retrouvons dans un grand bâtiment en ruine où il y a encore les cachots et toute sorte d’installations. Nous disons au revoir et allons à la prison. Sur place Philippe nous appelle nous disant qu’il est l’heure de rentrer. Nous déposons Thérèse devant chez elle et je fais savoir à Philippe que j’avais mal compris le fait qu’elle soit sa cousine et non son amante. Il me répond.
- Oui c’est ma cousine, mais de temps en temps elle se colle contre moi dans le lit pour faire un câlin, elle se frotte contre le coco et je ne suis qu’un homme ! Et c’est ma cousine germaine donc ce n’est pas trop grave.
- Oui mais c’est quand même ta cousine !
- Cousine germaine !

Nous faisons une halte sur une plage fréquentée par des surfers pour le coucher de soleil avant de retrouver Rachel dans un bar. L’ambiance est festive, tout le monde danse et se drague. Nous nous installons à une terrasse sur pilotis au dessus de la mer. Au bout d’une dizaine de minutes deux policiers en uniforme arrivent et regardent dans l’eau. Carole s’approche de moi et me dit : « ils doivent probablement chercher un cadavre, ça arrive souvent ici ». Les deux gardiens de la paix retournent au comptoir quelques instants et reviennent un cocktail à la main. Carole va les voir et leur demande s’ils ont fini leur service ce à quoi ils répondent que non, ils font juste une petite pause. Ce n’était apparemment pas un corps qu’ils recherchaient sur l’eau et nous n’en saurons pas davantage. En revanche ils ne se font pas prier pour draguer ouvertement les filles présentes ce soir là.

Le jour suivant Carole et Rachel me disent qu’elles vont m’emmener dans un endroit magnifique et qu’une surprise m’attend sur place. C’est stressant les surprises, on ne sait jamais comment réagir, mais là, la surprise va être de taille. Direction anse noire. Le parking est bondé ainsi que la petite route sinueuse route qui le précède. Nous nous approchons de la plage, descendons le long des escaliers à flanc de roche, puis atterrissons sur une plage de sable noir volcanique. On installe nos affaires et on se jette à l’eau. Quinze minutes plus tard Carole me tend son masque de plongé et me dit « regarde en dessous de toi ! ». Alors que je pensais que la surprise était la plage en elle-même, je découvre sous mes pieds deux grandes tortues vertes en train de brouter des algues. Je reste là pendant vingt bonnes minutes à admirer le spectacle. Toute les cinq minutes, elles remontent à la surface pour respirer et repartent dans le fond, nageant à mes côtés. « Il ne faut surtout pas les toucher » me dit Carole, « sinon tu peux attraper de l’herpès ». 
Le soleil commence à se coucher et nous nous déplaçons à anse Dufour, qui est mitoyenne. C’est un petit village de pêcheur très charmant. Les pêcheurs remontent leurs filets, les femmes coupent le poisson et rient en regardant Carole et Rachel danser sur la plage avec des enfants, le tout immergé dans un ciel rose orangé. En quittant la plage, des hommes assis à une terrasse nous interpellent pour boire un verre avec eux. C’est comme ça que nous nous retrouvons à partager leur table et enchaîner les boissons. Le bar ferme, l’un d’entre eux nous propose de venir chez lui, c’est à deux pas. On discute, on danse, dans la nuit à l’orée d’une forêt dense et tropicale au rythme du bruit des animaux qu’elle abrite.

Il est 9h du matin et nous avons rendez-vous chez Philippe pour aller faire un tour. On prend le petit déjeuner, Carole, Rachel, Philippe et moi. Il manque quelqu’un. « FREDOOO !!!! FREDOOOO !!!! » s’époumone son maître. Il arrive en trottinant et rebondissant sur le bout de ses pattes, les yeux à demi fermés.
- J’ai vu une psy hier, pour lui parler de ma femme. Une jeune blanche de métropole, 25 ans qu’elle a. Quand elle me parlait j’ai remarqué qu’il y avait quelque chose en plus, elle me regardait avec des yeux de biche et un sourire de prédatrice. Elle veut mon coco !!!! C’est sûr ! Mais ce n’est pas une coupe poche comme on trouve ici. Je vais l’inviter au restaurant. Assez parlé d’elle ! Aujourd’hui je vous emmène dans le sud de l’île, j’ai une maison là-bas. Bon elle est un peu en travaux mais elle se situe à côté de la plage avec piscine et tout ! C’est une maison que je partage avec une amie, Josiane, c’est aussi une martiniquaise qui a vécu une grande partie de sa vie en Allemagne, elle s’est mariée trois fois et a survécu à ses trois maris ! Je trouve ça louche. Elle est revenue ici pour faire construire au bord de la mer. Mais elle dépense trop, je suis obligé de l’aider, elle m’a dit « tu sais Philippe j’ai besoin d’argent, est ce que tu pourrais m’aider ? Donc je l’aide dans ses travaux, on construit ensemble et en échange, de temps en temps, je dois la gratifier de mon savoir faire dans la chambre à coucher. Elle est sympa vous verrez ».
Nous achetons plusieurs poulets boucanés sur le bord de la route. La maison est sympa, située au milieu de nulle part, sur une colline avec une immense terrasse qui donne sur la mer. Josiane n’a pas l’air heureuse de nous accueillir, mais nous fait comprendre que ce n’est pas nous le problème, mais plutôt Philippe. Elle nous raconte que c’est chez elle et qu’il a la fâcheuse tendance à dire que la maison lui appartient également. Rien de tout ça n’est vrai. Il raconte qu’il couche avec elle et là aussi, c’est faux. Nous ne sommes finalement pas tant surpris que ça. Après le repas, apéro. L’ambiance se réchauffe un peu et je vais faire un tour dans la piscine. La vue est parfaite, il y a juste un petit défaut, les énormes insectes morts dans le fond de l’eau.  Après avoir un peu pataugé ici nous nous rendons sur la plage. Pendant que Philippe cuve étendu sur le sable, nous nous amusons dans la mer. Ici, elle est un peu agitée et nous renvoie dégringoler sur la plage. La nuit tombée, alors que nous sommes en route pour la maison, les filles reçoivent une invitation pour aller à la Blue Moon Party, c’est sur la route.
Bar en bord de mer, cocotiers, deux cents personnes en maillot de bain, comme dans les films. Au bout de deux heures, je vois Philippe seul assis au pied d’un arbre, il déprime, il est saoul. J’en fais part aux filles qui ne veulent rien entendre, elles veulent s’amuser, je prends donc la décision de le ramener seul. En avançant vers la voiture, il chute à deux reprises. Tant bien que mal j’arrive à le faire monter à bord et le ramène chez lui.

Les filles rentrent le lendemain matin et passent la journée au lit. A part une courte balade dans le quartier, je fais de même et rends visite à Philippe le soir venu. Il boit seul et crie « FREDOOOO!!! FREDOOOO!!!! ». Il me sert un verre, puis deux, puis trois et ainsi de suite. Il en veut à la terre entière mais je parviens à le calmer. On entend un bruit de batterie au loin. « C’est mon voisin ! Viens on va le voir ». Il doit être 22 heures quand on arrive bras dessus bras dessous. C’est un homme d’une cinquantaine d’années qui nous ouvre. Il a l’air surpris de nous voir. Philippe insiste pour qu’on le regarde jouer un peu. L’homme cède. Je m’assoie dans un coin et c’est la dernière chose dont je me souviens.

Je me réveille le lendemain sans même savoir comment je suis rentré. Carole a déjà préparé le petit déjeuner et nous décidons de nous procurer une voiture pour avoir un peu plus de liberté. Cela nous prend la journée, mais en fin d’après midi, équipés d’une vieille voiture fraîchement louée, nous allons sur la plage de Schoelcher où nous rencontrons des connaissances de Carole afin de passer un début de soirée assez tranquille puis retournons chercher Rachel à la sortie de son travail pour visiter la petite ville de Sainte Luce. Du monde arbore les rues, les restaurants sont remplis, les cuisiniers attrapent des langoustes dans de grands bidons puis les coupent en deux, vivantes, et les font griller sur le barbecue. Les animaux bougent encore. Nous nous installons en terrasse, un grand bal est organisé ce soir, les gens s’amusent sur de la musique tropicale. 

Il est cinq heures du matin, Mélanie, une personne que j’ai rencontré sur internet pour faire des photos passe me prendre devant la maison. Il fait nuit noire mais la chaleur est déjà bien présente. Où va-t-on ? Dans le sud, à anse Michel. Nous discutons sur la route, le soleil escaladant le ciel afin de faire brûler l’aube dans une lumière rose. Nous traversons sur un ponton une espèce de lac de boue rempli de trous. Les crabes sont partout et se jettent dans leur terrier, effrayés par le bruit de nos pas, dans une chorégraphie bien travaillée. De l’autre côté, le paradis. Une plage de sable blanc, déserte, gardée par des cocotiers magistraux, doucement bercés par un léger vent. L’eau, turquoise, s’agite en petits remous d’avant en arrière, chauffée par un soleil qui colorie les astres dans une spirale chromatique allant du orange au rouge. Mélanie me dit « vient ! On va se baigner ! ». On se jette à l’eau, à ma grande surprise elle est chaude comme l’eau d’un bain un soir d’hiver. La lumière de l’aube scintille sur une mer calme, nous flottons sur les Caraïbes, le temps s’est arrêté. De retour en voiture nous allons maintenant à la savane des pétrifications, nom très alléchant. Nous nous garons à côté d’une étendue d’arbres dans un sol sablonneux, l’ambiance est féerique. Quoi rêver de mieux pour aller tirer un fil ! Tandis que je me soulage Mélanie me dit de rappliquer vite fait, les arbres sous lesquels je me trouve sont des mancenilliers, ils sont très toxiques. 
Je range donc le matos et en route. Nous mettons environ une heure à longer la mer avant d’arriver dans un endroit venteux et désert, à mi-chemin entre l’Amérique et la Bretagne. Les plaines de hautes herbes parsemées de cactus se jettent dans la mer par d’immenses falaises. En face de nous, l’île de Sainte Lucie, ancienne colonie britannique, qui flotte au large. Nous entamons la marche vers la voiture en parlant de tout et de rien, Mélanie est une fille en or, intéressante, drôle, la tête sur les épaules.
Midi approche et la faim se fait ressentir. « Je vais t’emmener manger dans un endroit fabuleux » me dit Mélanie. Un peu moins d’une heure plus tard nous débarquons sur la plage des Salines, une étendue de sable gigantesque en arc de cercle. Nous nous installons dans une cantine en bord de mer, commandons des bières et du lambis, le mollusque star des Antilles et mangeons les pieds dans le sable, entourés de chats errants venant réclamer leur dû. Baignade de digestion et nous partons plus au nord, à anse d’Arlet. Assis sur le ponton, à l’ombre du clocher, nous admirons les poissons exotiques nager sous nos pieds avant de piquer quelques têtes, puis finissons cette journée sur la plage du diamant dominée par son imposant rocher. Le coucher de soleil transperce l’effluve des vagues laissant apparaître une bruine dorée. Nous mettons un point final à cette journée en dégustant des mojitos face à la mer. Notre étoile plonge dans la mer jusqu’à ne laisser entrevoir qu’une légère lueur orange à l’horizon. Nous ne parlons pas jusqu’à ce qu’il s’engouffre sous l’eau et nous noie dans la nuit. 

Le jour se lève sur de nouvelles aventures. Aujourd’hui nous allons visiter l’habitation Clément, une distillerie de rhum réputée. A l’accueil, le guichetier nous donne un plan du site et nous dit qu’après la visite nous avons le droit à une dégustation de rhum dans la boutique souvenirs. Carole demande et insiste auprès de l’employer pour commencer directement par la dégustation. Il cède et nous commençons la visite par cinq ou six verres. C’est sur un petit nuage que nous déambulons dans le domaine, très beau, entretenu et très intéressant. L’excursion terminée nous retournons à la boutique souvenirs pour se jeter une bonne douzaine de verres supplémentaire. Je crois que nous avons quasiment tout goûté. Nous revoilà sur les routes sinueuses de montagnes au nord de l’île, dans un virage un peu court nous croisons un gars en scooter, sans casque, sur notre côté de la chaussée, Carole pile et l’évite de peu, suivi d’un second, puis un troisième qui nous regarde droit dans les yeux et mime de nous tirer dessus avec un revolver.
- T’as vu ce qu’il a fait lui ? Dis-je étonné.
- Oui, ces gars là ne rigolent pas, si on avait écrasé le premier, même sans faire exprès tu peux être sûr qu’ils nous auraient fait la peau. C’est des dingues ici.
J’ai du mal à y croire mais soit. Nous nous enfonçons un peu plus dans la campagne, traversons une route complètement inondée qui passe au travers d’une rivière et nous voilà arrivés à Ajoupa-Bouillon. Les panneaux sur place ne sont pas très claires. Nous demandons à quelques personnes où commence la randonnée dans la jungle et tout le monde nous indiquent un chemin différent. Am stram gram et nous voilà en marche sur un chemin au hasard. La route est goudronnée et le paysage n’est pas vraiment exceptionnel. Une heure trente plus tard notre promenade débouche sur une route départementale très fréquentée par les automobilistes. Nous réalisons que nous avons pris la mauvaise rando, celle-ci était censée faire une boucle dans la jungle et nous ramener à notre point de départ. Échec. En fin d’après-midi nous prenons une route qui longe la montagne Pelée. Nous sommes dans la brume, comme si les nuages s’étaient écrasés sur notre chemin, la végétation est luxuriante et nous dérivons dans une lueur grise bleutée dessinant une atmosphère inquiétante.

La journée suivante est relativement identique à la précédente, c’est à dire randonnée mais cette fois-ci dans la presqu’île de la Caravelle. Cette balade est à couper le souffle sauf que nous avons mal calculé notre coup et que nous la faisons à l’heure la plus chaude de la journée. Éreinté je commence à perdre patience, m’insurge contre Carole et continue la promenade seul, l’abandonnant derrière moi et traverse en solitaire une mangrove spectaculaire où des centaines de bernard l’hermite font leur vie. Carole me rejoint sur le parking, je m’excuse de mon comportement excessif, il fait 40°, la voiture est un four et elle ne démarre pas. J’appelle un ami garagiste en métropole, « c’est la batterie » me dit-il. Nous demandons autour de nous nous si quelqu’un a des câbles, bingo. Après le repas nous retournons à Fort de France où une soirée nous attend et c’est avec Carole, Rachel et un ami à elles que nous allons à cette soirée d’anniversaire dans le centre de la capitale. L’accueil n’est pas très chaleureux. Il y a une vingtaine de personnes dans le salon, tout le monde prend de la drogue et boit, quand j’essaie de participer à la conversation le brouhaha s’arrête, tout le monde se regarde, rit et se met à parler créole. Au bout d’une heure l’ami des filles  me fait signe de le suivre. Une fois dans la cuisine il me dit qu’il faut que je convainque Carole de rentrer car elle refuse de l’écouter. Pourquoi ? Parce que les gars dans le salon, ceux avec qui j’essaie de sympathiser depuis que je suis ici sont des dealers, et pas n’importe lesquels, c’est le gang le plus dangereux de toute la Martinique, ce ne sont pas des enfants de chœur et au moindre mot ou regard de travers ça peut se finir très mal pour nous. Je comprends mieux pourquoi ils sont retissant à m’adresser la parole. J’en parle à Carole, elle refuse de rentrer en prétextant que tout va bien et que je n’ai pas à m’en faire. Je continue alors la soirée en faisant attention au moindre de mes faits et gestes. 

C’est avec la gueule de bois que nous nous réveillons le lendemain matin. Nous avons rendez vous à dix heures au port du François pour passer la journée à la baignoire de Joséphine. Nous arrivons un peu en retard et toute les personnes, ainsi que Mélanie qui est de la partie, nous attendent. Le pied est à peine posé dans le bateau que nous démarrons. A part nous quatre, notre bateau compte un couple et leurs deux filles. L’embarcation va plein gaz, sautant sur les vagues, musique à fond puis s’arrête entre l’îlot Oscar et l’îlot Thiery. Le capitaine jette l’ancre et nous plongeons dans l’eau où un banc de sable nous permet d’avoir pieds. Autour de nous plusieurs autres navires sont ancrés et celui au centre, d’où vient la musique, n’est autre que le bar où les verres de rhum et de rosé sont gratuits et à volonté. On enchaîne les verres, on danse, on se baigne, on rit, on plonge puis une heure et demi plus tard nous revoilà à bord pour aller sur une île minuscule où nous attend notre repas. Le bateau repart à vive allure et même si nous avons du mal à tenir sur nos jambes, cela ne nous empêche pas de danser à bord, agrippés aux rambardes. Le bateau à l’arrêt nous partons à l’abordage du bar comme des pirates assoiffés. Même chose au menu, rhum et rosé à volonté. Nous devons être une quarantaine sur cette petite île, tous aussi imbibés les uns que les autres, tout le monde drague, les gens sont désinhibés. Il y a aussi quelques enfants qui, faute d’avoir de la neige, s’amusent à se lancer des boules de sables. Le repas arrive, ce midi c’est langouste. L’après-midi bat son plein entre la mer et le bar et termine par une ambiance musicale à base de percussions improvisées. En rentrant nous nous écroulons tous de fatigue et nous réveillons tard le lendemain.

En milieu d’après midi Carole me propose d’aller au Carbet où nous rencontrons James qui après quelques verres nous propose d’aller chez lui. Il vit à deux pas dans une petite habitation typique. Son voisin, qui est cuistot, nous amène du riz avec un carpaccio de poissons. Un délice. Carole rentre et je décide de passer ma dernière nuit là-bas. Au matin James m’emmène à anse couleuvre, dans le nord de l’île. Après une mini balade à travers la jungle, en faisant bien attention de ne pas croiser de trigonocéphale, serpent mortel pour l’homme, une plage de sable noir apparaît. James me donne un masque et un tuba et me dit, « tu vois les rochers au large là bas ? Vas y et regarde sous l’eau », ce que je fais et me voilà plongé dans le monde de Némo. Des dizaines de poissons tropicaux tournoient autour de moi. Il y en a de toutes les formes et de toutes les couleurs. Le moment est magique et je sais que c’est le dernier que je passe sur cette île. J’essaie donc d’en profiter un maximum. Nous sommes en milieu d’après-midi et il faut que je rentre à temps pour prendre mon vol. Une fois à l’aéroport je croise Mélanie qui prend le même avion que moi. Elle va rendre visite à ses parents. Heureuse coïncidence. Installé dans mon siège je laisse derrière moi les Caraïbes et m’apprête à retourner dans l’hiver parisien.